Vers un journalisme augmenté ?

C’est l’idée force du livre d’Eric Scherer dont la première partie du titre « A-t-on encore besoin des journalistes ? » synthétise l’ensemble des problématiques qui se posent aujourd’hui à la profession. L’auteur, analyste des médias, directeur de la Prospective et de la stratégie numérique à France télévisions, complète son postulat en dessinant les contours d’un futur possible pour les métiers de la presse, celui d’un « journalisme augmenté » capable de réguler les travers de son propre environnement, pour en mieux reprendre le contrôle.

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Dans sa longue introduction, Eric Scherer ne situe pas « le cœur de la révolution de l’information » au milieu des années 1990, avec l’arrivée d’Internet. Pour lui, le véritable changement d’époque, né de la diversification de la technologie numérique, correspond au tournant des « années 2003-2004 » lorsque « l’ensemble des agents économiques, politiques, sociaux, culturels et le grand public ont réalisé que les barrières à la création et à la distribution de contenus avaient bel et bien disparu ». Les connexions à haut débit, entrées dans les foyers à l’orée du nouveau millénaire ont contribué à repousser les limites de cette nouvelle frontière médiatique ouverte par « le wifi, l’internet mobile, le streaming vidéo, Facebook, Twitter et Google News ».

Après avoir été «agrégés, les contenus d’information du web sont, aujourd’hui, éclatés, puis triés et seront demain, personnalisés » écrit Eric Scherer. Personnalisés, ils le sont déjà depuis que l’analyse sémantique contextualise les requêtes des internautes. Sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, la « recommandation » se signale à travers des algorithmes de plus en plus affinés aptes à rediriger intuitivement les utilisateurs vers les contenus les plus en adéquation avec leurs attentes personnelles, au mépris d’une certaine forme de sérenpidité qui caractérisait la première croissance du web dans les années 2000.

Eric Scherer dresse un consta en quatre points :
1. « L’abondance conjuguée à l’ubiquité et à l’instantanéité du web a fait chuter la valeur de l’information»
2. « L’adversaire de la presse n’est pas Internet, mais le temps non disponible, la fragmentation des contenus et la prolifération, tout au long de la journée, des choix et des sollicitations ».
3. « Une économie de la demande remplace un logique de l’offre (…) La personnalisation est exigée, le choix à la carte remplace le menu ».
4. « la concurrence ne vient plus des paires, mais de nouveaux acteurs et de centaines de petites unités, flexibles et encore indécelables, qui peuvent devenir gigantesques Google est aujourd’hui la première entreprise média mondiale ».
Pour Eric Sherer, la solution se trouve dans les fondamentaux du journalisme, à savoir la capacité de ses plus dignes représentants à apporter de la « valeur ajoutée » en s’appuyant sur le potentiel offert par les technologies numériques existantes, « métadonnées, liens entre les contenus, lien vers des enrichissements extérieurs, GPS pour la localisation, codes-barres, dialogue des machines, organisation des communautés, agrégation de contenus, diversité des formats (vidéo, graphiques animés ». Le « journalisme augmenté » qu’il prône doit assumer « une mission indispensable de filtre du tsunami mondial » par un nécessaire travail de triage, de vérification et d’analyse, et« par la fourniture rapide de contexte, cruciale pour faire face aux trop-plein d’informations dans un monde de plus en plus complexe, où la simple diffusion de factuels ne suffit plus ».

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